jeudi 11 septembre 2014

Ces livres que vous ne lirez jamais…

Dans l'exercice de ma profession (graphiste) qui quelquefois relève de l'apostolat il faut bien le reconnaître, il est de purs moments d'interrogation existentielle et métaphysique.
Ainsi, le titre d'un bouquin qui m'est tombé aujourd'hui dans l'escarcelle :
" Les périphrases verbales avec habeo en latin tardif".

OoOoOh bonneu mèreu…
Comment, mais comment un homme sain de corps et d'esprit peut-il passer son temps à sodomiser les mouches à ce point, fussent-elles latines (car comme le sait tout internaute masculin ayant passé 10 minutes sur internet les latines sont des chaudasses de première) ?

"Les périphrases verbales avec habeo en latin tardif…"

 J'imagine la scène… Le pauvre gars qui revient chez lui le soir, sa petite serviette à la main, devant sa femme :
- Bon sang, Georges, c'est plus possible… Entre le gaz, les factures d'Orange et les courses, on s'en sort plus… Tu as fait quoi, toi, ce mois-ci ?
- Euuuh… J'ai écrit un bouquin…
- Un truc avec du cul au moins ? Non parce que tu sais, y'a plus que ça qui marche maintenant ! J'espère que tu nous as sorti un truc bien salace à la Nothomb, c'est le minimum si tu veux faire plus de 1000 euros avec un bouquin.
- Beh… En fait, c'est "Les périphrases verbales…"
- QuOoOoIiiiiii ??? Nan mais tu te fous de moi ???? Je te dis que j'ai du mal à boucler le mois alors qu'on est le 3 et môssieur fait le beau avec un bouquin qui va se vendre à deux exemplaires dont un à sa vieille mémé ???!!! Tu t'fous d'ma gueule connard ???!!
- …(murmure) En latin…
- Agrooooooooooo…
- … (quasi inaudible) Tardif… 
(Ici, la femme se lève, la bave aux lèvres - celles du haut, hélas - l'œil révulsé et avance deux mains tremblantes vers la gorge de l'auteur qui tente de se réfugier derrière sa serviette en simili skaï).

Je laisse au lecteur le loisir d'imaginer la suite, une suite pleine de horions et de coups bien placés à des endroits que la morale réprouve qui finit au tribunal d'assises et fait la manchette du nouveau détective, section "Elle découpe son mari avec une tringle à rideau avant de lui enfoncer le vaisselier Louis XV dans l'anus"

Non mais sérieux… T'imagines ? Le gars, il est fini ! Mort, carbonisé ! JAMAIS, mais JAMAIS il ne pourra avouer à qui que ce soit qui ne soit pas doté d'une calvitie avancée, de testicules et d'une paire de lunettes à double foyer derrière un bureau d'université qu'il a commis un bouquin pareil !

Tu te vois, toi, dans une soirée, annoncer à la nana mamelue et court vêtue qui te demande ce que tu fais dans la vie, lui dire : "J'écris"… 
Ce à quoi elle va immanquablement répondre 
"Ah oui ? C'est super ça ! Quel genre de bouquins ?"
Et là, tu sors : " Les périphrases verbales avec habeo en latin tardif… Un opuscule de 400 pages passionnant qui… euh… non mais… mademoiselle ! Partez pas, attendez, vous… Comment ça vous allez vous resservir du punch ? Mais votre verre est plein à ras bord ! Pis y'a pas de punch ici d'abord ! Aaaah mais vous n'savez pas ce que vous ratez hein ! Revenez ! Je vous préviens, je suis armé et dangereux et j'hésiterai pas à tirer dans l'tas ! (c'est en effet la seule phrase susceptible de la faire revenir après l'annonce du titre du bouquin et ce grand silence gêné ainsi que le détournement de regard vers ses chaussures et la série de raclements de gorge qu'elle a sorti).

Même à ma vieille manman j'aurais honte d'avouer que je me livre à des turpitudes littéraires auprès desquelles la masturbation compulsive apparaîtrait comme la saine pratique d'un esprit vertueux. 
- "Maman, j'ai écrit "Les périphrases verbales avec habeo en latin tardif…"
- Tu ferais mieux de trouver du boulot au lieu d'écrire des bêtises de sanisettes ! Non écoutes, quand tu as sorti "De l'usage de rosa, rosae, rosum en latin occitan précoce", je t'avais déjà dit que ton père et moi on a plus les moyens d'entretenir un grand dadais de 50 ans  qui passe ses journées à regarder les plafonds pour se demander si "habeo" périt à la fin de la phrase ou réussit à tuer le Colonel Moutarde dans l'vestibule avec le chandelier… Pourquoi tu prends pas exemple sur ton frère, tu sais, celui qui a réussi ? 
Tu sais qu'il a son propre garage maintenant… Puis il est marié, lui… Avec tes histoires de patin tardif, tu t'es toujours pas levé une loutte à 50 balais ! C'est pas demain la veille que je pourrai faire sauter mes petits-enfants sur mes genoux…"
etc.

QU'EST-CE qui a bien pu traverser l'esprit d'un homme, quel océan d'ennui, quelle abyssale absence de but dans la vie, pour qu'il commette un bouquin pareil ? Pourquoi ? Pourquoi infliger à un monde qui souffre déjà tant une parution qui peut-être trouvera une malheureuse victime sous la forme d'une âme égarée pensant qu'elle a affaire à un recueil d'histoires drôles antiques ou à quelque chose qui ressemble un peu à une baraque de monstres forains ?
Et surtout… Question lancinante…

QUI ? QUI, mais QUI achètera ce livre (je veux dire, à part l'auteur lui-même afin d'en détruire tous les exemplaires et que son honneur littéraire soit sauf) ? QUI sur cette planète, quel fin latiniste, voue une véritable passion aux périphrases verbales avec habeo en latin tardif et sera prêt à claquer 30 euros pour assouvir son coupable vice alors que la pipe est au même prix à Belleville (enfin, je crois) ?
Ami lecteur, amie lecteuse, sincèrement… Je te pose la question… Une petite pipe ou 400 pages de latin tardif avec habeo ?

Ah, tu vois, toi aussi…


PS : En fait, c'est tout un gang. Un de ses copains vient de commettre : "La causativité en latin", tandis qu'un autre infligeait à un innocent éditeur "La causalité en latin" et que la branche moyen-orientale de l'organisation plaçait "Yima, structure de la pensée religieuse dans l'Iran ancien" en librairie, causant des dégâts irréparables à l'allégresse de passants espérant trouver en vitrine un titre du regretté Pierre Desproges… Certainement un coup de Daech ou d'Al-quaïda, je mène l'enquête.

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